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Expérience d'élevage des tegus par BERT LANGERWERF

Publié le : 17/01/2020 - Catégories : Fiches d'élevage , Fiches lézards , Salvator merianae , Salvator rufescens

Observations sur la reproduction et le maintien en captivité des téjus d’Argentine, Salvator (Tupinambis) merianae Duméril et Bibron, 1839 et Salvator (Tupinambis) rufescens (Günther, 1871)

 

Bert et Hester Langerwerf, Agama International Inc.

 

Introduction

Les téjus sont des lézards de grande taille dont les mâles peuvent atteindre 120 cm de longueur. Ils ont donc besoin d’un espace conséquent. Ainsi, le chauffage de grands vivariums dans lesquels maintenir correctement un nombre important de ces lézards requiert un investissement considérable. J’ai donc choisi d’élever seulement les deux espèces de Tupinambis qui vivent sous le climat tempéré d’Argentine (Tupinambis merianae et Tupinambis rufescens) et que je peux maintenir toute l’année en extérieur en Alabama (USA) sans les chauffer artificiellement -renonçant ainsi à l’élevage d’autres espèces plus tropicales de téjus.

 

Climats

Pour réussir la reproduction des lézards il est très important de recréer en terrarium un microclimat proche de celui de leur zone de répartition. On peut faire cela même en extérieur, si on choisit des lézards adaptés. Ce choix est toutefois assez restreint car dans beaucoup de pays au climat tempéré l’exportation de la faune est interdite ou très limitée. Pour cette raison, on ne trouve que rarement ces espèces sur le marché de la terrariophilie et souvent il est nécessaire de se rendre directement dans ces pays pour pouvoir les acquérir. Naturellement, avant le voyage, il faut accomplir toutes les démarches nécessaires à l’exportation et à l’importation légales, de fait il faut se faire octroyer par les autorités compétentes les numéros de CITES.

 

Afin de démontrer que les téjus d’Argentine peuvent être maintenus en extérieur en France également, je vais d’abord comparer le climat nord-américain de Birmingham, en Alabama (notre ferme d’élevage est située à 80 km environ au sud de Birmingham), avec le climat de trois sites différents en Argentine. Ensuite, je vais comparer ces données climatiques avec celles de deux sites du sud de la France. Pour faciliter les comparaisons, les tableaux commencent tous avec le mois le plus froid. Les températures minimales ont été enregistrées tôt le matin, les températures maximales l’après-midi.

Connaître à quelle latitude se situe une région est également important, puisque le rayonnement solaire est plus intense là où la latitude est plus basse. En Alabama, par exemple, à une température inférieure à 10° C, en janvier, la plupart des lézards s’exposent au soleil et les objets irradiés par le soleil sont bien chauds, plus chauds qu’en Hollande aux mêmes conditions de température.

A Victorica, dans la province de La Pampa, 9 mois dans l’année peuvent présenter des températures inférieures à 0° C. C’est seulement en décembre, janvier et février qu’il ne gèle jamais. Les deux espèces, T. merianae et T. rufescens, vivent près de Victorica, correspondant à la frontière la plus méridionale de leur zone de distribution.

A Buenos Aires, le mois le plus pluvieux est mars avec 109 mm de pluie. En revanche, juillet est le mois le plus sec.

Santiago del Estero (Argentine): 27°46' latitude sud


 

Sur ces tableaux, on constate que le climat d’Alabama central et celui du sud de la France sont comparables au climat d’Argentine. La seule différence notable est la quantité de pluie, elle est toujours plus abondante en Alabama et elle tombe souvent en averses en France. Par ailleurs, en France la saison la plus pluvieuse est l’hiver, tandis qu’en Argentine c’est l’été. Si maintenant on compare les climats pour T. rufescens (Ouest de l’Argentine) et pour T. merianae (Est de l’Argentine), on peut remarquer que T. rufescens habite des contrées au climat plus sec. Pour cette raison, en France -ainsi qu’en Alabama- T. merianae est l’espèce qui s’acclimate plus facilement en extérieur, tandis que T. rufescens doit être installé dans des vivariums partiellement couverts et toujours secs (ce que je fais pour mes animaux).

 

Hivernation

Au cours d’un incident survenu dans notre élevage de T. merianae, des individus ont été soumis pendant quelques heures à une température de 1° C et ils ont survécu. Ne voulant pas reproduire ces conditions extrêmes pour T. rufescens, je ne suis pas certain que cela puisse être valable également pour cette espèce. J’ai donc jugé que T. merianae aurait pu hiverner à une température de 5° C. Malheureusement, la mort des individus qui occupaient les emplacements les plus froids des vivariums au cours de cet hivernage à 5° C, m’a révélé que si une température si basse se prolongeait pendant des jours ou des semaines, devenait létale.

L’hiver suivant j’ai acquis des thermomètres à sonde qui m’ont permis d’enregistrer les températures à l’intérieur des chambres d’hivernation, sans déranger les animaux. Pour arriver à conserver des températures suffisamment hautes, j’ai recouvert les chambres d’hivernation d’un lit de feuilles mortes (c’était l’automne) au-dessus duquel j’ai placé une bâche en plastique. De cette manière, la pluie n’humidifiait pas trop le sol.

J’ai ainsi constaté qu’avec cette protection la température dans les chambres d’hivernation demeurait proche de 12° C pendant tout l’hiver (entre 10 et 15° C). Dans ces conditions, les téjus peuvent survivre en hivernant pendant environ 6 mois. Les adultes hivernent de la mi-septembre jusqu’à la mi-mars ; les juvéniles de la mi-octobre jusqu’à la mi-avril ; les sub-adultes, âgés de 1 à 2 ans, de la fin septembre jusqu’à la fin mars.

J’ai aussi constaté que le milieu fréquenté par les animaux, à la saison hivernale, doit être plus sec pour T. rufescens que pour T. merianae.

La période d’hivernation peut également se passer en intérieur. Dans ce cas, les animaux doivent être maintenus à une température oscillant entre 10 et 15° C. J’ai fait hiverner de cette manière les téjus juvéniles, dans une cave, en les enfermant dans une boite remplie de feuilles mortes un peu humides (pour T. merianae) ou sèches (pour T. rufescens).

Un autre point important que je voudrais souligner est la nécessité d’examiner les animaux après deux mois environ d’hivernation, c’est-à-dire à la fin novembre ou au début décembre. De fait, on vérifiera si les lézards ont bien vidé leur intestin. En effet, j’ai déjà observé ces animaux sortir de leur dormance au bout de 2 à 3 semaines, au cours d’une journée bien ensoleillée, pour déféquer.

Pour réussir la reproduction des téjus d’Argentine il faut les faire hiverner pendant une longue période. J’ai constaté que les lézards qui n’ont pas hiverné ne serait ce qu’une seule fois ne se reproduisent plus, même après plusieurs hivernations (voir paragraphe sur la reproduction). J’ai également remarqué qu’ils doivent hiverner "leur temps", qui est d’environ 6 mois. Il y a plusieurs années, je ne savais pas encore que les adultes sortent de l’hivernation un mois plus tôt que les juvéniles. Quand j’ai vu que tous les adultes étaient déjà actifs, j’ai sorti les jeunes encore endormis. Mais ces derniers se sont dirigés de nouveau directement vers leurs chambres d’hivernation, bien que la journée ait été bien chaude et ensoleillée, et ils ont continué à dormir pendant quelques semaines. De toute évidence, "leur temps" n’était pas encore écoulé… !

 

Les terrariums

Je ne garde pas de téjus en intérieur. Tous mes terrariums sont à l’extérieur et ils sont creusés dans la terre qui en constitue le substrat. Avec des tuyaux en terre cuite, normalement utilisés pour le drainage, je construis leurs terriers car en Argentine j’avais constaté que les téjus vivaient dans des terriers semblables aux terriers de lapins. Ces lézards se réfugient dans ces abris quand les températures sont trop basses ou trop hautes. Ils y restent également pendant la nuit et tout l’hiver. Bref, ils y passent plus de 80% de leur temps ! Dans les terriers il existe une certaine humidité. C’est une erreur assez fréquente chez les éleveurs qui maintiennent Tupinambis en intérieur, de croire que ces lézards n’ont pas besoin de terriers humides. En réalité, quand ils vivent dans un environnement trop sec, les téjus sont souvent confrontés à des problèmes de mue, des garrots peuvent se former aux orteils et ainsi en causer la perte.

Quand on maintient Tupinambis en intérieur, trois facteurs ont une importance capitale :

1.       Un terrier, ou un nid, humide.

2.       Une source lumineuse émettant des UVA et UVB.

3.       Une surface au sol suffisamment importante.

Pour en revenir maintenant à mes terrariums extérieurs, les plus simples sont ceux construits en tôle ondulée de bonne qualité et galvanisée. Ces plaques de tôle sont enfoncées à 60 cm de profondeur dans un sol compact. En revanche, si le terrarium est construit sur du sable, il faut les enterrer à une profondeur de 80 cm. Pour la partie aérienne, les parois doivent atteindre une hauteur de 90 cm afin que les animaux ne s’échappent pas. Ainsi, j’ai construit des terrariums de 50 et 100 mètres carrés.

J’ai bâti les autres terrariums en maçonnant les murs avec des moellons. Ces constructions demandent plus de travail et ne peuvent plus être déplacées, contrairement aux terrariums métalliques.

 

La reproduction

Pour reproduire les téjus (ainsi que beaucoup d’autres lézards qui vivent dans l’hémisphère sud), il est nécessaire de bien évaluer la saison au cours de laquelle ils sont capturés et envoyés dans l’hémisphère nord et placer les animaux dans les conditions saisonnières les plus proches du milieu naturel. C’est-à-dire que les animaux sauvages captifs doivent conserver une alternance été / hiver / été sans qu’il y ait interruption dans leur cycle saisonnier. Il était donc important d’aller chercher les téjus à la bonne saison et de les replacer dans les mêmes conditions en Alabama. Pour ce faire, j’ai voyagé en Argentine en décembre pour solliciter les autorisations et au mois de mars j’ai reçu des individus juvéniles. Ainsi, en mars 1990 j’ai importé des jeunes T. merianae et en mars 2002 j’ai importé des jeunes T. rufescens d’Argentine.

Dès leur arrivée en Alabama, je les ai placés dans un terrarium extérieur. On était donc en mars. Dans l’hémisphère nord la saison était comparable à l’automne de l’hémisphère sud. Pour cette raison, les jeunes sont restés actifs seulement 1 à 2 semaines, afin de vider leur tube digestif, ensuite ils ont commencé leur hivernation. Contrairement aux lézards nés aux USA, ces juvéniles ont hiverné jusqu’à la fin mai, et même jusqu’en juin pour certains d’entre eux. Il s’est donc agit d’une hivernation assez courte. Ensuite, pendant l’été, ils se sont nourri abondamment et ils sont restés actifs jusqu’à la fin de l’automne. Puis ils ont entamé au mois de novembre leur deuxième hivernation en captivité. Quand ils se sont réveillés à la fin avril de l’année suivante, ils avaient retrouvé un cycle normal pour l’hémisphère nord. L’hivernation successive s’est donc passée pendant la période normale pour l’hémisphère nord et, après cette troisième hivernation, ils se sont reproduits. Ce protocole, que j’ai moi-même mis au point, donne presque toujours des bons résultats.

En procédant ainsi, les jeunes T. merianae importés en mars 1990 se sont reproduits pour la première fois au cours de l’été 1992. Et les jeunes T. rufescens importés en mars 2002 se sont reproduits pour la première fois au cours de l’été 2004.

  Une autre observation a corroboré la validité de ma méthode. Quelques individus Tupinambis merianae m’ont été confiés par des parcs zoologiques pour en réaliser la reproduction. Apparemment, ils n’avaient jamais subi une véritable hivernation et, même après les avoir fait correctement hiverner pendant 4-5 ans, ils ne se sont jamais reproduits. Pour cette raison, je pense que la période de dormance hivernale doit se dérouler chaque année, même la première année de vie, afin que les téjus puissent se reproduire plus tard.

 

  Une fois donc que les animaux ont enduré leur période de repos hivernal, la saison reproductive commence. Les accouplements se passent fréquemment du début avril jusqu’à la mi-mai. Au cours de cette période, on trouve toujours du sperme dans les excréments des mâles.

En raison du climat tempéré de leur région d’origine, les téjus ont développé, pour pondre leurs œufs, un comportement particulier qui les amène à construire un véritable nid avec des feuilles mortes et du foin. J’ai moi-même observé qu’en captivité ils utilisent particulièrement les parties sèches de l’herbe des pampas (Cortaderia sp.) qui pousse dans mes terrariums, la même herbe présente dans leur habitat, la Pampa. Le fait d’utiliser une herbe très répandue dans leur milieu naturel constitue peut-être une forme d’adaptation. J’ai même remarqué que les téjus arrachent à l’aide de leurs pattes antérieures les parties sèches de cette herbe directement de la plante.

La plus grande partie des nids sont construits au mois de mai, mais aussi au cours de la dernière semaine d’avril et de la première semaine de juin.

J’ai constaté une exception à cette règle la première année de reproduction, en 1992 pour T. merianae et en 2004 pour T. rufescens (après l’importation de l’hémisphère sud).  Dans ce cas, tout le processus reproductif se déroule plus tardivement comparé aux animaux déjà acclimatés. Par exemple, en 2004 (première année de reproduction), les accouplements de T. rufescens ont eu lieu le 16 et 27 mai, alors que les 4 nids ont été construits le 9 juin, 12 juin (2 nids) et 17 juin. Les nouveau-nés, 83 au total, sont sortis des œufs entre le 12 et le 25 août. La même année, les 1190 T. merianae étaient déjà nés avant le 5 août.

Le nid est aménagé au fond d’un trou creusé dans le sol par mes soins. Pour consolider ces terriers, je me suis servi de centaines de tuyaux en terre cuite utilisés en maçonnerie pour construire les cheminées.

A chaque fois que j’ai collecté les oeufs dans les nids, j’ai constaté qu’ils étaient toujours bien chauds. Pour préciser cette observation, en 2004 j’ai enregistré la température dans 43 nids, en plaçant un thermomètre entre les oeufs. Les résultats ont été pour moi surprenants. La température était supérieure à ce que je m’attendais ! La température la plus basse était de 28,5° C tandis que la plus haute était de 38,0°C ! Cette valeur élevée n’est pas une erreur, dans un autre nid la température était de 37,5° C et dans un autre encore de 36,0° C. Dans quatre autres nids elle variait entre 35 et 36° C ! La température moyenne enregistrée dans les 43 nids, était de 32,6° C. Sur ces 43 nids, 34 avaient une température située entre 30 et 34° C. En ce qui concerne T. rufescens, j’ai mesuré la température d’un seul nid, en juin 2004, et la valeur constatée était du même ordre, 32° C.

Cette observation est capitale pour mieux comprendre comment ces lézards de grande taille peuvent survivre sous un climat tempéré. En effet, il ne faut pas oublier que T. merianae et T. rufescens sont les seuls lézards dont la taille dépasse le mètre et qui vivent dans des régions tempérées.

Le 27 mai 2001 nous avons mesuré la température cloacale d’un groupe de T. merianae, tôt le matin, avant que les animaux aient pu se chauffer aux rayons du soleil. Nous avons effectué ces mensurations sur 6 males, 6 femelles sans nid et 5 femelles avec un nid. La température moyenne était de 24,3° C pour les mâles, de 28,4° C pour les femelles sans nid, tandis que pour les femelles avec un nid elle était plus haute : 31,1° C (tableau 1). Ces valeurs nous éclairent sur une autre caractéristique singulière de cette espèce, chez laquelle les femelles peuvent augmenter leur température interne après la ponte.

 

Le nombre d’œufs par ponte est assez important. En 2004, sur 49 nids de Tupinambis merianae, la ponte la plus petite était composée de 21 œufs, la plus grande de 63, la moyenne étant 42,7. Ces données comprennent tous les œufs, fertiles et infertiles.

En ce qui concerne T. rufescens, nous n'avons pas encore beaucoup de données. En 2004, les 4 nids contenaient 24, 27, 39 et 4 oeufs. Le nid avec 4 oeufs avait été dérangé, je pense qu’une partie des œufs ont été mangée par un autre téju. Les trois autres nids étaient intacts. Le nombre relativement bas d’œufs pour T. rufescens peut s’expliquer avec l’âge des femelles, toutes très jeunes lors de leur première ponte.

 

Au cours des années précédentes, j’ai toujours constaté une durée d’incubation de 2 mois environ. La température d’incubation était assez basse, au-dessous de 30° C. Cette année, en sachant que la température d’incubation optimale est située entre 32 et 33° C, j’ai changé en ce sens mes paramètres et j’ai constaté une durée d’incubation plus courte, 45 à 50 jours environ.

De 1995 à 2004 nous avons eu environ 4000 naissances de T. merianae.

 

PHT (Preferred Hatching Time) (heures préférentielles d’éclosion)

Ces deux espèces de lézards très intéressantes m’ont réservé encore d’autres surprises !

Etant donné que tous les oeufs sont placés en incubation entre mai et juillet, il m’est possible de ne pas utiliser un véritable incubateur. En effet, je dépose les oeufs sur de la vermiculite humide contenue dans de grandes boites puis j’installe ces boites dans une grange. Cette grange, qui mesure 20 x 7 m, nous sert pour la reproduction de blattes (Eublaberus distanti). En été, la température dans la grange est toujours de 26 à 28° C environ la nuit et de 30° C environ le jour. Les œufs sont disposés en hauteur, où la température est un peu plus haute.

Dès 1995, j’ai pu constater que les bébés naissaient toujours le matin, quelques-uns seulement en début d’après-midi. En 1998 et 1999 j’ai donc multiplié mes observations en annotant à chaque heure le nombre de naissances (graphique 1). J’ai ainsi remarqué qu’entre 8h et 9h du matin le nombre d’éclosions était très réduit. Entre 9h et 10h ce nombre devenait plus important tandis que le pic des éclosions était situé entre 10h et 11h.  Ensuite, les naissances devenaient de moins en moins nombreuses et de nouveau très réduites entre 14h et 15h. Le reste de la journée aucun téju ne perçait sa coquille. Cette expérimentation, qui a été accomplie avec plus de 300 nouveau-nés, semble prouver que les jeunes Tupinambis merianae naissent seulement lors de l’augmentation de la température.

Pour confirmer cette hypothèse, c’est-à-dire le lien direct entre éclosion et augmentation de la température, en 2000 j’ai procédé à une autre expérimentation avec 453 naissances. J’ai donc installé sous les œufs un chauffage supplémentaire, allumé de 7h jusqu’à 9h, qui engendrait une élévation de la température de l’ordre de 3° C environ. De cette manière, l’augmentation de la température se manifestait plus tôt dans la journée. J’ai ainsi pu constater que, dans ce cas, le pic des naissances était situé 1 heure plus tôt, entre 9h et 10h (graphique 1). Si on étudie avec attention les données du graphique 1, on peut même remarquer qu’en 1998 et 1999 le pic était situé à 10h45 environ, tandis qu’en 2000 il était situé à 9h15 environ. Il est important de noter que les téjus naissent seulement quand la température augmente et que la lumière du jour ne joue aucun rôle dans ce processus.

Avec l’agamidé Physignathus lesueurii j’ai constaté le même phénomène, cependant chez cette espèce les animaux naissent toujours tôt le matin, c’est-à-dire quand la température d’incubation est la plus basse (cette adaptation permet aux jeunes d’augmenter leurs chances de survie, en leur évitant ainsi les grosses chaleurs de la journée ou les prédateurs nocturnes).

Ces phénomènes peuvent être observés seulement si les oeufs sont mis en incubation dans des conditions similaires à celles existantes en milieu naturel, où les températures pendant la nuit sont inférieures à celles du jour. Malheureusement, la majorité des éleveurs de lézards utilise des incubateurs où la température reste constante et cela empêche l’observation de ce phénomène (PHT) si intéressant.

En conclusion, il semblerait que beaucoup d’espèces de reptiles possèdent, au cours de la journée, une plage d’heures préférentielles où se produisent les naissances. Chez les dragons d’eau australiens cette plage se situe tôt le matin (Langerwerf, 1998d), chez les téjus dans la matinée, chez les tortues de mer la nuit. Puisque ce phénomène n’avait pas encore été nommé, je l’ai appelé PHT (Preferred Hatching Time).

 

Nourriture

Fournir aux téjus une alimentation carnée trop importante est un des plus grandes erreurs que l’on commet dans leur maintient en captivité. Puisque ces lézards mangent de la viande toujours avec engouement, on est souvent tenté de croire qu’une telle alimentation ne peut pas leur être nocive. Mais, après les avoir nourri avec un régime essentiellement carné pendant un certain temps, on constatera chez ces animaux l’apparition de tremblements (provoqués par une déficience en calcium dans les muscles) ou de fractures spontanées, symptômes d’ostéofibrose (carence en calcium dans les os). La viande seule, sans os, ne possède pas suffisamment de calcium. En milieu naturel, non seulement les téjus mangent des animaux entiers, avec leurs os, mais leur régime alimentaire comprend également des végétaux en quantité supérieure à celle qui est proposée habituellement en captivité.

Mercolli et Yanosky (1994) ont étudié la diète de Tupinambis dans l’Est de la province de Chaco, au nord de l’Argentine, et ils ont trouvé que dans leur estomac la fraction végétale était présente en quantité supérieure à la fraction animale.

Il semble que beaucoup d’autres lézards en captivité soient nourris avec une quantité excessive de protéines animales par rapport à leur alimentation en milieu naturel (par exemple : Uromastyx, Iguana, Cyclura, Physignathus etc.). En réalité, la part de protéines animales n’est pas très importante dans la diète de ces lézards dans leur habitat où, peut-être, ils ont des difficultés à trouver et/ou à attraper des proies.

En ce qui me concerne, je donne à mes téjus surtout du poulet, coupé en petits morceaux, des rats (morts) et des fruits. Je suis toujours étonné de voir comme les adultes mangent sans problèmes les os de poulets de grande taille, même les cuisses. Dans les excréments, je ne retrouve jamais de restes d’os. Tout est digéré.

Parmi les fruits, je donne à Tupinambis des bananes, tomates, melons, cerises et figues que je cueille directement sur mon figuier.

 

Conclusion

 

Les téjus géants d’Argentine sont des lézards très intéressants sous plusieurs points de vue et ils méritent d’être étudiés de manière plus approfondie.

En effet, ils ont un comportement unique chez les sauriens, en construisant un nid avec des matériaux qu’ils recueillent eux-mêmes dans ce but.

Par ailleurs, les naissances sont soumises au « Preferred Hatching Time ». Etant conditionnées par une augmentation de température, elles se produisent seulement dans un intervalle de temps de quelques heures, dans la matinée.

Autre facteur singulier, en période de reproduction les femelles sont capables d’augmenter leur température interne, ce qui permet de maintenir la température dans les nids sur des valeurs élevées.

Finalement, ces lézards peuvent être maintenus et reproduit en extérieur dans le sud de la France et ils sont très prolifiques, ce qui en favorise l’observation et l’étude dans des conditions relativement proches de la semi-liberté.

 

Bibliographie

 

Ø Köhler G. et Langerwerf B., 2000. Tejus, Lebensweise-Pflege-Zucht. Herpeton, Offenbach 78 p. 

Ø Langerwerf B., 1992. The reproduction of the Argentine Black and White Tegu, Tupinambis teguixin, in captivity. BHS Bulletin 42 : 18-23

Ø Langerwerf B., 1998a. Keeping and breeding of the Argentine Black and White Tegu, Tupinambis teguixin. The Vivarium 7 (3) 24-29.

Ø Langerwerf B., 1998b. The Argentine Black and White Tegu, Tupinmabis merianae. Reptile Hobbyst vol 3 # 12

Ø Langerwerf B., 1998c. Haltung und Zucht von Argentinischen Großtejus, Tupinambis merianae.  Reptilia (Münster) 13 3 (5) : 52-55.

Ø Langerwerf B., 1998d. Einfluß schwankender Temperaturen auf den Schlupf bei zwei Echsenarten. Elaphe Heft 3.

Ø Langerwerf B., 2002/2003. Neue Erkenntnisse über die Fortpflanzungsstrategie beim Argentinischen Riesenteju (Tupinambis merianae) Reptilia (Münster) 38 (Dec. 2002/Janvier 2003).

Ø Mercolli C., Yanosky A. A., 1994. The diet of adult Tupinambis teguixin (Sauria teiidae) in eastern Chaco of Argentina.  The Herp. Journ. 4 (1) : 15-19.

Ø Pastor F.,  2004. Le genre Tupinambis (Teiidae), observations sur le maintien en captivité de Tupinambis rufescens (Günther 1871). Situla 9 : 2-7.

Ø Pierce E. A., Smith C. G., 1998. World Weather Guide (Fodor’s Series).

Ø Sautereau L., 1997. Tupinambis teguixin Le téju d’Argentine. (Avec photos de B. Langerwerf)  Aquarama (155) : 68-70

 

 

 

Remerciements

 

            Je tiens à remercier M. Olivier Antonini pour le remaniement de cet article et le Dr Claude Grenot pour la relecture du manuscrit.

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